Par Claudette Cormier

lundi 24 mars 2014

Il était une fois un deuxième hiver

On nous dit que le printemps est officiellement arrivé le 20 mars dernier. C'est bizarre. Mes bancs de neige continuent de s'accroître à tel point que je ne vois presque plus les oiseaux s'alimenter au sol. Depuis la dernière photo que je vous ai envoyé dans un autre message, les monticules de neige ont encore grossi depuis à cause des tempêtes. Aucun redoux sérieux pour la fonte. Pfff! Je crois que je vais sortir le chalumeau et régler ça.

Mes bancs de neige qui grossissent

Vu le froid, non le frette, de la fin de semaine du 22 et 23 mars 2014, je suis restée à la maison, au chaud. Surtout que les vents sont encore cinglants augmentant le facteur éolien et en même temps augmentent mon facteur de colère. Germain étant absent pour la fin de semaine, je me résigne à rester à l'intérieur. Je vais me concentrer sur les espèces qui s'observent autour de mon environnement glacial. Je dois être dans l'Arctique sans le savoir, car d'abord, il fait très froid et ma baie est encore gelée, mais aussi parce que, entre les branches d'arbres, j'aperçois le brise-glace, le Amundsen, qui est ancré près de chez moi. Ce n'est pas tous les jours qu'on a un brise-glace presque dans sa cour! En fait, celui-ci s'est attaqué tôt ce matin à casser la glace dans l'entrée du fjord et a laissé de grands morceaux de mosaïques glacées dériver avec la marée descendante. C'est spécial ici, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. La région est encastrée à  l'intérieur des terres et est reliée au fleuve par le fjord du Saguenay. Si nous n'avions pas l'aide de ce bateau chaque printemps, nous serions sérieusement « pogné » dans la glace beaucoup plus longtemps, surtout avec cet hiver où le froid perdure! Alors vous comprendrez que je suis très heureuse de voir un beau chenal d'eau couler librement! Enfin un peu d'espoir, un espoir éphémère cependant, car ce matin, à la suite d'un autre coup de froid, tout était encore gelé (le 24 mars). Soupir. J'ai la nette impression que nous entrons dans un deuxième hiver consécutif.

 L'entrée du fjord qui se libère de ses glaces

Après avoir ingurgité un café corsé et brûlant pour me réchauffer l'âme, je me promène d'une fenêtre à l'autre pour y observer les 150 petits démons que sont les Tarins des pins ainsi que la 20aine de Roselins pourprés, les oiseaux entourant la maison. Hé! Ça mange ça, monsieur! Les mangeoires sont remplies à craquer et se vident en un rien de temps. De plus, j'ai mis par trois fois des graines sur la galerie devant la porte-fenêtre pour eux. Le mot d'ordre des oiseaux est manger, manger, manger! Par moments, les forts vents du nord-ouest qui soufflent emportent presque les tarins avec les rafales. Afin de se réchauffer un peu ou de digérer leur ration de graines, ils vont se réfugier dans un cèdre près de la maison qui est à l'abri des vents. C'est charmant comme scène. Certains tarins se nettoient, d'autres piquent une sieste alors que d'autres en profitent pour émettre quelque notes musicales.

 Les fringillidés qui s'alimentent sur la galerie


 Les Tarins des pins dans le cabinet


Les Tarins des pins abrités dans le cèdre

Cependant, une surprise de taille m'attendait lors des mon observation des fringillidés en fin de semaine. Sur la galerie, un Roselin pourpré immature arborait un plumage mélanique! Oui! Vous avez bien lu. Vous auriez dû me voir la face (j'imagine) quand je l'ai aperçu. Ah? Ké cé donc? Qu'il est bizarre ce roselin! Finalement, après bien des tergiversations sur son identité, il s'agit bien d'un Roselin pourpré mélanique! Comme une image vaut vraiment milles mots, je vous invite à regarder les images qui suivent. Il est vraiment particulier!

Le Roselin pourpré mélanique


Le Roselin pourpré mélanique

Au cours de la journée du dimanche, les conditions météorologiques étaient optimum pour observer les Aigles royaux dans leur migration. Il y a du soleil, du vent à profusion et la pression atmosphérique est à la hausse. Je me suis donc installée devant la fenêtre du salon où j'ai fait le pied de grue pendant des heures tout en jetant un oeil sur le fameux roselin.

Le paysage vu du salon

Dans la photographie du paysage, remarquez à l'extrême droite de l'image les deux grands champs enneigés qui sont situés de l'autre côté de la rivière Saguenay, à environ trois kilomètres de chez moi. Il semble que les thermiques se développent bien au-dessus de ces champs puisque les oiseaux de proies en migration s'élèvent souvent au-dessus de ceux-ci. Jumelles au cou, le télescope devant et le café à côté de moi, je fouille inlassablement les cieux. Le matin, ce fut très tranquille, mais oh! béni soit l'après-midi avec les trois Aigles royaux recensés un à la fois qui m'ont fait grand honneur! L'Aigle royal étant mon oiseau fétiche, le plaisir était au rendez-vous! Les grandes ailes déployées en dièdre, le bronze doré de la nuque reluisant au soleil, les rapaces ont silencieusement sillonné les cieux dans la violence du vent et traversé le Saguenay. Ils m'ont fait danser de joie! Je vous montre un vidéo de moyenne qualité d'un aigle qui était environ à milles pieds de haut. Le défi était de taille pour le filmer.

 Aigle royal en migration

Oui... ce fut toute une fin de semaine lors de ce deuxième hiver qui commence. En attendant que le tout fonde, je me concentrerai sur le ciel, là par où les cadeaux ailés arrivent. Je vous en souhaite tout autant!

Bon printemps!

mardi 11 mars 2014

Quelques instants dans la vie d'une ornithologue hivernante

Bonjour chers amis! Nous voilà au 11 mars 2014. Cela fait une grosse lune que je n'ai pas levé ma plume. Je ne sais pas si c'est l'âge, mais j'ai préféré rester à l'intérieur, au chaud. Mes sorties ont été extrêmement limitées. Et lorsque je regarde dehors, je constate que les bancs de neige grossissent au lieu de fondre. Pfff! Quel horreur! Faudrait faire quelques incantations pour inviter le printemps à se poindre afin que les esprits de la nature puissent enfin faire sublimer ce tapis blanc. Après ces cinq longs mois d'hiver, il est normal que le corps et l'âme demandent un peu de chaleur.

Ma cour remplie de bancs de neige qui ne fondent pas

Pendant que je vaque à mes occupations dans la maison, j'ouvre la porte d'entrée, question de prendre une bouffée d'air frais et en même temps, écouter les Tarins des pins chanter à tue-tête. Puis là, j'entends soudainement un Grand Pic tambouriner sur le poteau électrique situé près de notre stationnement. J'agrippe la caméra et sors sur la galerie pour prendre quelques clips. Ah! Que ça fait du bien! Comme si je sortais d'une longue hibernation, j'apprécie la lumière qui est forte malgré le ciel nuageux et les flocons qui tombent. Le chant incessant des tarins réveillent mon sens auditif alors que la crête rouge écarlate et brillante du Grand Pic m'éblouis les yeux. Lorsque le pic tambourine, j'entends également un autre Grand Pic qui lui répond non loin. Oui... je crois que le printemps est commencé. Pas évident là au premier coup d'oeil, mais je pense que c'est le début.

 Le Grand Pic qui tambourine


Le Grand Pic et la chorale de Tarin des pins

Le Grand Pic parti tambouriner ailleurs, je suis restée dehors dans ma cour. En respirant d'une façon consciente, je reprends contact avec la nature et réalise qu'elle m'a beaucoup manqué. Il a fait si froid. L'hiver a été très rude. Puis un des mes écureuils m'aperçois. Fou de rage, il tape des pattes en me regardant. Vraiment pas content le monsieur... Je crois qu'il ne me reconnaît plus. Pas surprenant, il ne m'a pas vu souvent depuis près de cinq mois. Hé, l'écureuil! C'est moi qui te nourris. Tu pourrais être plus poli, non?

 L'Écureuil roux choqué de ma présence

Vous allez peut-être être surpris, mais mon signe du printemps à moi est l'arrivée de « mes » Corneilles d'Amérique, mes nicheuses, comme je les appelles. Comme vous le savez, ma résidence se situe dans un milieu forestier près du l'entrée du fjord à Saint-Fulgence. Durant l'hiver, je n'observe aucune corneille de novembre jusqu'à la mi-mars. Aucune. Jurée! Je ne vois que des Grands Corbeaux. Ainsi, lorsque les corneilles se pointent chez moi à la mi-mars, je jubile! Et ce fut le grand jour hier le 10 mars quand je les ai aperçu. Depuis hier, elles viennent à mes mangeoires qu'elles semblent très bien connaître.

 Ma Corneille d'Amérique

En me dirigeant vers la galerie, la cacophonie causée par les nombreux tarins qui chantent simultanément est impressionnante. Cela me fait sourire. C'est tellement bon de les voir et des les écouter à nouveau. Des Roselins pourprés également lancent des notes mélodieuses que j'arrive à peine à détecter au travers des vocalises bruyantes des tarins.

Le grassouillet Tarin des pins

Je rentre dans la maison le coeur réjouit de tout ces sons et ces couleurs. Un baume, après avoir enduré la période hivernale. Le sourire aux lèvres, je filme de l'intérieur les tarins qui ont pris d'assaut mes mangeoires, des cabinets qui adhèrent aux fenêtres. Terribles, terribles ces petits démons, si agressifs envers leurs congénères. Là-dessus, je vous dis à la prochaine. J'espère que ce sera bientôt. Vous m'avez manqué aussi.

De la chicane dans la cabane


À la prochaine!