Par Claudette Cormier

lundi 29 août 2011

Au cœur des limicoles

En cette fin du mois d’août, Germain moi avions très hâte de parcourir la plage à l’embouchure de la rivière Belle-Rivière à Métabetchouan. Ce lieu est sacré pour nous en tant qu’ornithologues, car ce site est utilisé comme aire de repos par les oiseaux migrateurs. À l’automne, lorsque les nicheurs de l’Arctique migrent en direction du Sud, l’embouchure de la Belle-Rivière sert d’aire de repos et de ravitaillement. À différents moments de la saison, les observateurs peuvent observer des canards de mer, des limicoles, parfois des labbes, des mouettes, des goélands et des sternes. Cependant, comme bien des endroits au Québec, les sites ornithologiques se détériorent à vue d’œil. Cet état de fait est causé par la faune humaine qui cherche à développer l’environnement pour entre autres créer des attraits touristiques. Malheureusement, cela se fait au profit des sites ornithologiques et des oiseaux qui n’ont plus accès à leurs aires de repos qui sont rendus extrêmement perturbés. Nous pouvons accuser ici l’ignorance, la négligence ou même l’indifférence. Si je m’en tiens à l’embouchure, Germain et moi avons régulièrement visité l’embouchure depuis vingt ans. Auparavant, nous n’avions affaire qu’à des baigneurs ou des marcheurs matinaux qui déplaçaient les oiseaux sur leur passage. Maintenant, les véhicules tout-terrain, les motocyclettes et même des voitures du genre « pick-up » côtoient les marcheurs sur cette petite parcelle de plage. S’ajoute également au portrait les sports aquatiques à voiles et à parachutes pour tuer l’endroit en question. Puisque ce site n’est pas officiellement reconnu par les autorités, les gens s’approprient chaque parcelle de la plage pour exploiter ce lieu comme terrain de jeux. C’est désolant et décourageant devant l’ampleur du phénomène humain destructeur. La migration des limicoles commence en juillet, mais ce n’est qu’à la rentrée scolaire que la plage se libère enfin. Les oiseaux doivent trouver refuge ailleurs, on ne sait trop où. Germain lui est allé seul en août à l’embouchure à deux reprises. Malgré qu’il se soit rendu sur les lieux tôt en matinée, il est revenu à la maison, enragé. Trop de dérangement et d’agitation sociale. Un site en déperdition. Voilà le portrait juste d’une très triste réalité.

Revenons à notre journée passée à l’embouchure… Ce jour-là fut spécial puisque le soir, nous attendions les frasques de l’ouragan Irène qui est sur le point de faire son entrée dans la région. Par contre, pour le moment, il fait beau. Arrivés sur les lieux, nous jetons un coup d’œil vers l’embouchure. Tout semble mort. Mais au moins, nous sommes seuls sur la plage. D’un pas paresseux, nous avançons vers la pointe de sable. À notre gauche, nous empruntons les berges du lac Saint-Jean et à notre droite, nous apercevons cette lagune qui parfois se dessèche.


Plage déserte à l'embouchure de la Belle-Rivière à Métabetchouan

Plus nous cheminons vers le bout de l’embouchure, plus nous observons des limicoles qui arrivent de migration. Ah, chouette! Voilà enfin des bécasseaux pour notre plus grand bonheur! Pattes de télescope déployées, nous demeurons sur place quelques heures pour savourer ces oiseaux qui font halte dans le secteur. En bougeant le moins possible, les oiseaux deviennent confiants et se dirigent vers nous en passant à quelques pieds. La prochaine vidéo vous démontre un groupe de limicoles. Vous pouvez recenser quatre espèces. Reconnaissez-vous les Pluviers semipalmés (au loin), les Bécasseaux semipalmés (les plus nombreux), les Bécasseaux sanderlings (gros, blanc et qui courent) et le Tournepierre à collier (vu au début et à la fin)? Il vous est proposé de mettre en fonction vos haut-parleurs afin d’écouter les ressacs du lac Saint-Jean. Aussi, comme d’habitude, double-cliquez les vidéos pour en voir les agrandissements.



Limicoles s’alimentant sur la plage

Plus loin sur la plage, un magnifique et pas très commun Bécasseau de Baird s’alimente tout seul dans son coin avec pour compagnon un Bécasseau semipalmé (plus petit). En picorant à gauche et à droite, le Bécasseau de Baird a harponné avec ses griffes un duvet de plume gisant dans la rocaille. Ce duvet est demeuré sur ses pattes un très long moment. C’était plutôt drôle de le voir courir sur les berges avec cette petite pantoufle blanche sur son talon (d’Achille?). La prochaine vidéo montre mon propos.



Le Bécasseau de Baird avec sa pantoufle en duvet

Ensuite, sans crier gare, une douzaine de Tournepierres à collier sont arrivés en trombe dans le décor. Volant ici et là, comme incapable de se poser par un surcroît d’énergie, ils finissent par atterrir sur la plage, mais demeurent très nerveux et instable. Avec eux, quelques Bécasseaux semipalmés. Je vous invite à jeter un œil sur le prochain clip…



Les Tournepierres à colliers se reposant quelques minutes

Durant la matinée, j’ai eu le plaisir de rester près de quatre limicoles peu farouches. Étant des oiseaux juvéniles, je suis peut-être la première du genre humain qu’ils voient! Je me suis donc immobilisée et j’ai restée discrète pour en croquer quelques clips en calculant chacun de mes gestes pour les filmer afin de ne pas les effaroucher. Il s’agit de trois Bécasseaux semipalmés et d’un Bécasseau minuscule (celui qui est roux et qui se tient sur une patte) qui se reposent pour piquer une sieste. Ils sont vraiment attendrissants et mignons comme tout! De plus, il y a un Bécasseau semipalmé qui m’a bien fait rigoler. Celui-ci a décidé de roupiller dans un petit trou d’eau dans le sable. S’il devait se déplacer, il revenait à ce trou d’eau. Il faut croire qu’il aimait se rafraîchir les pattes…



Bécasseaux semipalmés et le Bécasseau minuscule

Qui dit plage dit également goélands! Au bout de l’embouchure, il y avait un minimum de 500 Goélands à bec cerclé, adultes et jeunes de l’année, ainsi que quelques Goélands argentés, qui se prélassaient et baillaient aux corneilles sur les bancs de sable. Habitués à la présence humaine, ceux-ci quittent les lieux pour la journée et vont s’alimenter dans les champs lorsque l’achalandage devient trop important.


Goélands sur leur aire de repos à l'embouchure


Une partie du groupe des goélands


Germain observant les limicoles sur une languette de plage

Ainsi s’achève notre matinée aux limicoles à l’embouchure de la Belle-Rivière. À l’heure du midi, les gens commencent à arriver sur les lieux. Il faut signaler que les terrains de camping qui se trouvent aux abords de l’embouchure sont encore actifs à cette date du 28 août. Nous quittons le site, heureux de nos belles trouvailles, la tête pleine de merveilleux limicoles. En tout, nous avons recensé 12 espèces de bécasseaux avec un Courlis corlieu en poche que nous avons entendus crier. Là-dessus, je vous laisse sur un clip servant de détente avant de reprendre votre routine!



Vagues causées par Irène sur le lac Saint-Jean

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